Sujet: breathe in and breathe out (thaïs) Lun 29 Oct - 17:30
thaïs & joey
Cours petite Joey, cours. Il y a l’espoir, et puis la déception. Les remords et les regrets. La rancune, oui, la rancune surtout. Thaïs est partie, du jour au lendemain. Un matin je me réveille et c’est comme si elle n’avait jamais exister. Un peu plus et je l’aurais pris pour un rêve. C’était sans compter la douleur de Jason. La souffrance qui tétanisait ses membres, la colère qui rougissait le blanc de ses yeux, la tristesse qui perlait le long de ses joues, le déshonneur qui pesait sur lui comme une épée de Damoclès. Elle était venue, elle avait remplie notre vie de bonheur et de joie, de crises et de larmes et elle n’était plus. Plus qu’un souvenir, lâche, flou, un souffle, un fantôme errant. Chaque jour son souvenir s’estompait peu à peu et son visage brûlait sur les photographies. Il faut croire que nous formions une famille encore trop parfaite, malgré la mort de nos parents. Des années de partage résumées en quelques mots sur un post-it. La lettre, si on peut appeler ça une lettre, était destinée à Jason. Je ne devais pas représenter beaucoup pour elle au fond. Et pourtant, elle représentait tant pour moi … Au fond, peut-être que c’était ça le secret de son complicité, elle équilibrait l’amour inconditionnel que je lui portais par une petite affection, faible mais tout en douceur, comme la compassion qu’on aurait pour quelqu’un d’inférieur. Elle qui avait toujours été la seule, la meilleure, la première. Pourtant tout se passait si bien entre Jason et elle. Il faut croire que j’ai été trop aveugle. Et puis même, il y avait moi. N’avait-elle pas pensé que son départ pourrait me détruire après tout le bonheur qu’elle m’avait apporté ? Non, elle n’avait pas pensé à tout ça, elle n’avait pas pensé à moi, elle n’avait pas du pensé à Jason non plus. Enfin il faut vivre pour soit, et pas pour les autres c’est vrai. Elle avait peut-être de bonnes raisons. C’est ce que je m’efforce de penser avec le recul et les années. Ce serait plus simple si l’on vivait toujours seul. Simple mais triste. Alors ce serait bien si toutes les relations étaient toujours réciproques. Bien mais pas drôle aussi. C’est vrai … Jason était venu m’annoncer un peu plus tôt le retour de Thaïs. Un fantôme était en ville. Le fantôme, le fantasme de notre passé. Pris de panique, Jason lui avait claqué la porte au nez. Après tout, ce pouvait être un mauvais rêve. Alors pourquoi j’y croyais si fort ? Pourquoi arpentais-je les rues depuis trois bonne heures et demi, un portrait de celle qui avait figuré ma mère dans la main en questionnant les passants à son sujet. Si elle était en ville, quelqu’un l’avait probablement aperçu. A force de chercher, je finirais bien par trouver non ? J’ai d’abord commencé par les hôtels, sans grand succès. D’ailleurs je ne devrais pas travailler moi aujourd’hui ? Qu’importe. L’espoir me portait. L’espérance m’élevait. Enfin j’arrivais à un quartier de la ville où me semblait-il, au fur et à mesure de mes sondages, le plus de commerçants l’avaient vu. J’avais alors décidé de faire du porte à porte. Une, deux, trois, dix, douze, quinze, vingt-six, soixante-trois … après j’ai arrêté de compter, mais je ne m’arrêtais pas pour autant. Je crois que j’aurais pu continuer toute la nuit ainsi, toute la vie même si personne ne serait venu m’arrêter. Ô peine et désespoir quand tu nous tiens. Je me détruisais au fur et à mesure des refus ou plutôt des négations. Encore des déceptions, à croire que je m’en nourrissais. Et puis une porte, une sonnette, le nom de l’ancien résident a été griffonné, déchiré, mais pas remplacé, l’antre s’entrebâille, une petite chevelure apparait, je me baisse et rencontre un petit œil qui me scrute. Bien sûr, la petite n’est pas assez grande pour déverrouiller, qu’importe, je me suis trompé. Je n’ai presque même pas envie de lui dire bonjour ni de lui sourire, tant je suis fatiguée, exténuée, et ce, autant physiquement que mentalement. Je m’efforce de lui accorder un petit sourire obligé et me relève en tournant les talons sans lui dire un mot. Elle aussi aura bien de déceptions plus tard, pourquoi l’épargner ?
Sujet: Re: breathe in and breathe out (thaïs) Lun 29 Oct - 18:29
breathe in and breathe out Josephine and Thaïs
Longue nuit. J'étais rentrée si tard que la baby-sitter de Cecilia s'était endormie sur le canapé. Je n'avais pas osé la réveiller tant elle semblait profondément dans son sommeil. Je m'étais contentée de m'assoir dans un fauteuil en face d'elle, persuadée qu'elle me réveillerais au matin. C'est ce qu'elle avait d'ailleurs fait. La baby-sitter était donc repartie avec un très généreux salaire et j'avais dû lutter contre le sommeil pendant le trajet vers l'école de Cecilia. De retour à la maison, il ne m'avait pas fallu plus de quelques minutes pour tomber dans les bras de Morphée. Les gardes de nuit étaient épuisantes, et je n'étais pas en état d'assurer ma journée en tant que maman si je ne dormais pas un peu, au minimum. Aujourd'hui l'école se terminait tôt et il faudrait aller la chercher puis trouver de quoi l'occuper sans que le jeu ne tourne à "combien de temps maman va t'elle rester concentrer avant de piquer du nez ?" Si cela amusait beaucoup la petite puce, je trouvais ça nettement moins drôle : j'avais l'impression de ne pas être à la hauteur dans mon rôle de mère.
Quelques heures plus tard, après avoir été chercher ma petite demoiselle et lui avoir offert un généreux goûter pour me faire pardonner de ne pas être rentrée lui faire un bisou avant qu'elle ne s'endorme, nous étions de retour à la maison, en plein milieu d'un atelier cuisine, lorsqu'on sonna à la porte. Les mains dans la pâte à sablés, j'envoyais Cecilia ouvrir. A neuf ans et demi, il était assez incroyable de voir qu'elle n'avait aucune timidité à se proposer pour ouvrir la porte, mais qu'une fois devant un inconnu, elle devenait totalement silencieuse. Je tendis l'oreille alors que je me lavais les mains, et vint rejoindre ma petite, qui se mordait un doigt en observant une inconnue par l’entrebâillement de la porte. J'écartais Cecilia et ouvrait la porte, en grand, pour y trouver une inconnue qui se dirigeait vers la porte d'en face. « Je peux vous aider ? » Interrogeais-je. La jeune femme se retourna alors, dévoilant un visage qui m'étais plus ou moins familier. Il avait pris de l'âge, certes, ce n'était plus une petite fille. Mais je ne connaissais qu'une seule personne au monde ayant ce visage. Et c'était forcément. « Joey... »
Dernière édition par Thaïs Carmichael le Lun 29 Oct - 22:38, édité 1 fois
Sujet: Re: breathe in and breathe out (thaïs) Lun 29 Oct - 18:59
thaïs & joey
Il y avait cette présence, électrisante. Même dans le noir le plus complet je l’aurais reconnu. Sa présence, l’essence qu’elle dégage. Elle avait changé de parfum, en dix ans ça se comprend. Mais c’était surtout sa voix qui m’avait confirmé. Son ton clair et aigu. Je pris un interlude avant de tourner la tête, imperceptible tant mon esprit réfléchissait à fusion. Pendant un espace encore plus faible qu’une seconde, je réalisais qu’il était tout bonnement impossible de reconnaître la voix de Thaïs venant d’un appartement qui contenait une petite fille. Pourquoi pensais-je cela ? Je ne sais … Après tout cela fait dix ans maintenant, il peut s’en passer des choses en dix ans. Je devais être tellement usée et désespérée que mon esprit avait du inventer cela, comme quand je crois entendre mon téléphone sonner, alors qu’en fait, il n’en est rien. Je ne suis pas folle vous savez. Bonsoir. Thaïs se tenait là, sur le seuil de la porte, enfin plus côté appartement que côté couloir. Elle n’avait pas encore franchit la limite qui séparait son intérieur de l’extérieur. Elle était encore sur la défensive. Enfin c’est vrai, si elle venait de débarquer en ville, personne ne serait censé venir frapper à sa porte. Sauf Jason. Oui Jason. Mais non, pas Jason. Elle ne lui a pas donné son adresse. Pas le temps, pas la possibilité. Et puis cela aurait été trop facile, Jason me l’aurait refilé et je n’aurais pas loupé une journée de travail à arpenter les rues. Quelle heure est-il ? Peut-être qu’il n’est pas encore trop tard pour se rendre à l’hôtel. Peut-être que cette absence ne peut encore n’être qu’un retard. J’ai oublié l’heure, j’ai oublié mes horaires, j’ai oublié mon travail. Tout me reviendra sûrement. Bientôt, quand je regarderais une pendule, mais il sera déjà trop tard. Il est déjà trop tard. En tournant mon visage, le corps toujours en contre-sens, mes yeux rencontrèrent ceux de Thaïs. Nous faisions la même taille maintenant. La dernière fois je devais lever les yeux. Et là si je les baissais c’était sur une petite fille que je tombais. Un instant je cru avoir une hallucination et me voir moi petite accompagnée de Thaïs comme du temps où elle habitait chez nous, comme il y a dix ans. Mes yeux glissaient lentement sur sa petite frimousse comme un regard dérive dans le vide. Je ne m’amusais pas à faire des allers retours de regard entre Thaïs et cette petite fille. Je ne voulais même pas imaginer qui c’était et la relation qu’elles nouaient. Je ne voulais pas rire de la situation. Ou alors d’un rire nerveux. La preuve était là, devant moi, Thaïs avait refait sa vie, elle avait une fille maintenant, qu’elle élevait, qu’elle aimait et qu’elle n’abandonnerait pas. J’avais fondé trop d’espoirs en cette femme, et maintenant je m’en mordrais les doigts. Fais attention petite fille, tu dois avoir le même âge que moi quand elle m’a trahie. Thaïs me reconnaissait mais moi je poussais un long soupir d’abattement. Je ne voulais pas rencontrer cette réalité-là. Mais que cherchais-je au fait ? La Thaïs d’antan ? La Thaïs du temps où j’étais enfant ? Ma meilleure amie, ma grande sœur de cœur n’existait plus. Il n’y avait plus qu’une femme maintenant. Pire, une mère. Alors après avoir poussé un souffle comme si c’était le dernier je détournais le regard et reprenait ma route le long du couloir. Je n’avais plus besoin d’ameuter tout l’immeuble, je l’avais ma réponse. Thaïs était revenue, elle n’était même pas venu me rendre visite. Après c’est peut-être ça que je cherchais à savoir dans ma course effrénée. Je n’arrivais à me persuader de la réalité de son retour puisqu’elle n’était pas venue me rendre visite. Pourtant elle était là devant moi et elle n’était pas venue me voir et elle avait refait sa vie. Pourquoi a-t-on toujours besoin de ceux qui n’ont pas besoin de nous ? Ce n’est pas la première fois que cela m’arrive, avec mes parents, avec Thaïs, avec l’amour, cet homme … Je crois que j’étais encore plus déçue d’apprendre ça, et de ma part en plus, serait-elle venue m’annoncer son retour si Jason ne l’avait pas fait ? Après tout c’était moi qui venais vers elle, moi qui la cherchais. Mais elle, n’avait-elle jamais eu envie de me revoir ? Non, elle ne méritait pas ma vue.
Sujet: Re: breathe in and breathe out (thaïs) Lun 29 Oct - 19:49
breathe in and breathe out Josephine and Thaïs
Alors c'était bien elle. La petite fille que j'avais quittée sur un baiser dans les cheveux, il y a dix ans. Ce petit ange que j'aurais voulu serrer fort contre moi toute les fois où le désespoir se lisait dans ses yeux, quand elle pensait à ses parents. La dernière fois que je l'avais vu, elle avait quinze ans. C'était encore une ado, une petite fille qui ne savait pas comment grandir et qui s'accrochait désespérément à son frère. Jason et Joséphine. J'avais partagé cinq ans de la vie quotidienne de cette petite. Un peu plus si je comptais les deux années supplémentaires pendant lesquelles Jason et moi ne vivions pas encore ensemble. Joey. Ma petite Joey, si triste et si précieuse. Elle me regardait, impassible dans le couloir. Cecilia s'agrippa à mes jambes, convaincue que quelque chose n'allait pas. Les yeux de Joséphine reflétait une tristesse que je n'avais pas vu depuis longtemps. Il me fallut un peu de temps pour comprendre. Elle observait Cecilia, avec toute cette tristesse, avant de reposer les yeux sur moi. « Joey. » Répétais-je. J'étais installée en ville depuis une petite semaine, et tout s'accélérerait. J'aurais voulu attendre de poser les choses avec Jason, du moins pouvoir lui parler de Cecilia, avant de me confronter à Josephine. Si il lui en parlait, elle ne comprendrait pas. Il fallait que je le fasse. Doucement, je repoussais Cecilia, la forçant à me lâcher, et m'avançait vers Joey. « C'est fou ce que tu as changé... » Bien sur qu'elle avait changé. Dix ans, c'est long.
Ses yeux reflétait toujours cette infinie tristesse. Et j’ignorais ce que je pouvais faire pour apaiser les maux de ma petite puce. Avant, je l'aurais serrée fort contre moi, un long moment, jusqu'à ce que ça passe. Mais maintenant ? Que pouvais-je lui dire ? Lui avouer que Cecilia était sa nièce, puis lui faire promettre de ne rien dire à Jason tant que je n'aurais pu le faire par moi même ? « Maman ? Les gâteaux... » La voix de ma fille me ramena à la réalité. Sans doute l'alarme du four avait-elle sonnée. Je me retournais vers elle : hors de question de les faire brûler. « J'arrive. Entre Joey. » Je regagnais l'intérieur de l'appartement vers la cusine pour sortir les sablés, alors que Cecilia observait toujours Josephine sur le palier. J'élevais la voix de la cuisine pour guider ma petite puce et ma fille au travers de l'appartement. « Cecilia, emmène Josephine dans le salon, j'arrive avec les sablés ! » Je m’affairais à sortir les gâteaux du four et les disposait sur une assiette. Je m'accordais par la même occasion un instant de pause. Qu'allais-je dire à Joey ? Comment lui expliquer les choses ? La situation me terrifiait. Inspirant profondément, j'attrapais l'assiette et rejoignit les deux filles dans le salon.
Dernière édition par Thaïs Carmichael le Lun 29 Oct - 22:39, édité 1 fois
Sujet: Re: breathe in and breathe out (thaïs) Lun 29 Oct - 22:25
thaïs & joey
La petite s’agrippait ostensiblement aux pattes de Thaïs. Mon regard devait la terroriser. Comme le regard d’une vieille, une vieille fille qui vit avec tous ses chats et qui est cataloguée comme folle. Thaïs répéta mon prénom avec tout la compassion du monde, comme si elle portait tout le malheur du monde sur ses épaules. Enfin non, c’était mon surnom. Elle dit quelques-mots, je les entendais mais je ne l’écoutais pas. Elle disait que j’avais bien changé depuis tout ce temps. Elle a changé oui. Moi, je ne trouve pas. Je pense que je suis toujours aussi attachée à Jason comme un boulet à un fantôme. J’ai eu beau emménager seule, je reste beaucoup trop dépendante. Il est toute ma vie. Peut-être qu’il me faudrait vivre loin pour construire mon identité loin de lui et être moi, vraiment moi. Mais je ne peux pas, c’est trop dur. Je ne pourrais jamais, c’est beaucoup trop dur de le quitter. Ou peut-être ne suis-je tout simplement pas prête. Je l’aime beaucoup trop pour ça. Et comme mon estime ne flanchera jamais pour lui, il faudrait que j’arrive à aimer quelqu’un encore plus. Toujours plus haut, toujours plus loin, toujours plus fort. Au point de partir avec lui. La petite, qui s’était réfugiée derrière les pattes de Thaïs dans une réaction de défense tirait sur le tablier enfariné qu’elle portait et l’appela maman. Le reste de la phrase m’échappa complètement, tellement j’étais abattue par cette réalité. Bien sûr je m’en doutais, Thaïs avec une petite fille, elle ne pouvait être que la sienne, mais pourquoi ? Il faut croire que je me mentais à moi-même, mon cœur refusait d’accepter ce que ma raison voyait. Mais enfin pourquoi ? Je ne vais pas être jalouse d’une gamine de huit ou dix ans ? Si ? Non quand même … C’est … Enfin merde Joey regarde-toi, tu es complètement ridicule ! Où est passé ta dignité pauvre enfant que tu es et que tu es restée ! Et peut-être même que tu resteras. Mais c’est beau non ? De rester toujours rester enfant je veux dire. Je me sentais trahie, oui c’est ça je crois, trahie. Oh mais grand dieu pourquoi, ce n’est qu’une gosse, et Thaïs n’y peut rien. Je ne peux pas lui en vouloir d’avoir fait sa vie, elle a fait ce que lui dictait son cœur. C’est moi et moi seule qui lui ai accordé une si grande et trop grande place dans ma vie. Je ne peux en vouloir à personne de souffrir, pas même à moi-même. C’est ce qu’on appelle la vie. Oui c’est ça, c’est la vie. J’aurais aimé pouvoir parler de tous ces états d’âmes à ma meilleure amie, ma confidente, ma sœur de cœur, mon mentor au féminin. Mais cette personne avait disparu, depuis dix longues années, comme envolé l’amie imaginaire. Et même si aujourd’hui elle était là devant moi, les choses ne seraient plus jamais comme avant. Surtout que ces états d’âmes la concernent directement. Thaïs rejoint ses appartements sans que je comprenne vraiment pourquoi et la petite fille reste sur le pas de la porte à ma scruter comme l’étrangère que je suis. Mais pour moi aussi elle est une étrangère. Thaïs m’a dit d’entrer mais je n’ose pas, et puis la petite me barre entre guillemets la route, elle est sur le pas de la porte entre moi et Thaïs entre moi et sa maison, je ne voudrais pas la pousser pour passer. Enfin sa mère, je n’aime pas ce mot, lui dit de me faire entrer. Elle obéit, c’est qu’elle est bien sage et docile cette petite. Et quand j’entre, j’ai l’impression d’être sur le plateau de tournage d’une pub. L’appartement est spacieux et lumineux, aux antipodes de ma chambre de bonne, et la maitresse de maison arrive avec une assiette de biscuits dans les mains. On se croirait dans Desperate Housewives. Le salon semblait sortir tout droit d’un magazine de décoration d’intérieur, pas un défaut nulle part, pas un truc qui dépasse, pas un cadre bancal, pas une ampoule grillée, même pas de traces de doigts sur l’immense baie vitrée. Et dire que pendant ces dix longues années je ne m’étais pas demandé une seule fois ce qu’allais devenir Thaïs. J’aurais eu tort de m’inquiéter pour elle. Je ne savais pas où me mettre et n’arrivais toujours pas à décrocher un mot.
Sujet: Re: breathe in and breathe out (thaïs) Lun 29 Oct - 22:53
breathe in and breathe out Josephine and Thaïs
Quiconque aurait été spectateur de la situation aurait sans doute bien ri. Vraiment. Entre Josephine qui ne décrochait pas un mot, et moi qui était strictement incapable de ne pas m'exprimer, le contraste était loin d'être faible. Mais elle n'était plus ma petite puce et j'ignorais complètement sa situation actuelle. Je l'avais fui, elle aussi, quand j'avais fui mes responsabilités devant son frère. Quand j'étais partie comme une voleuse, laissant à Jason le poids de l'absence, et à Josephine l'incompréhension d'être quittée. Peut être étais-je tout bonnement incapable de vraiment lui dire pourquoi j'étais partie. Ce n'était pas sa faute, elle n'avait même rien à voir dans ma décision de partir. Mais ça elle ne le savait pas. Parce que j'avais fait ce choix seule, à quatre heures du matin, sans même songer un instant que quelques heures plus tard je le regretterais. J'aurais dû revenir, je n'aurais pas du partir. Mais il était trop tard pour avoir des remords, et trop tard pour revenir en arrière. Point, changement de paragraphe.
Je m'installais dans un fauteuil, déposait l’assiette de biscuit sur la table et en tendit un à Cecilia, qui regardait toujours étrangement notre invitée. Ma fille le saisit et se mit à le grignoter, comme nerveuse. Je relevais les yeux vers Joey. « Mais assied-toi, je t'en prie. » Lui suggèrais-je alors qu'elle semblait complètement hypnotisée par ce qu'elle voyait. Et ce qui sautait aux yeux, c'est qu'elle n'était pas à l'aise. Un aveugle aurait pu le voir tant elle ne faisait d'efforts pour le cacher. Mais que pouvais-je lui dire ? "Voilà, regarde ce que j'obtiens après dix ans sans nouvelles, et toi, qu'est-ce que tu deviens ?" Non, non, non. C'est tout simplement inadmissible. « Cecilia, va donc appeler Ethan... Tu ne l'as pas fait depuis longtemps. » Suggestion adressée à ma petite, pour qu'elle sorte de la pièce. J'étais assez persuadée que Josephine se sentirait mieux si elle n'était pas là. Ma fille déposa un baiser sur ma joue, jeta un dernier regard envers "l'intruse" et disparut dans ma chambre. Anxieuse, j'observais la réaction de la petite sœur de Jason. Et puis une question me vint à l'esprit. « Pourquoi as tu sonné chez moi, au fait. Tu cherchais quelqu'un, quelque chose ? »
Sujet: Re: breathe in and breathe out (thaïs) Lun 29 Oct - 23:34
thaïs & joey
La voir ainsi, seule à seule me faisait oublier toutes ces années, et d’un coup c’était comme si l’on ne s’était jamais quitté. Pour moi cela paraissait une évidence qu’elle et Jason allaient se remettre ensemble, que cette décennie ne serait plus qu’un avatar, nul et non avenu, une parenthèse, et que tout redeviendrait comme avant. Mais, non, tout ne serait plus jamais comme avant. Dix ans c’est long, en dix ans j’ai grandi, elle aussi, elle a même appris à devenir mère et puis il y a Kira. Thaïs tentait de meubler la conversation mais je n’étais pas réceptive, ou je ne le voulais pas. Certainement un peu des deux. Comment se parler après dix ans d’absence ? Que se dire et comment se le dire ? Maintenant que la petite n’était plus entre nous, j’avais envie de lui sauter dessus, de l’assainir de questions et de lui raconter tout un tas de choses, bref, d’être simplement heureuse de la revoir. C’est vrai que tout aurait été tellement plus simple sans cette petite. Mais c’est horrible de dire ça, enfin de le penser. Je suis un monstre ! Thaïs m’invita à m’assoir, ce que je fis avec grandes précautions. J’avais l’impression de salir ce lieu de ma présence, c’était comme de profaner un temple sacré. C’est débile ce que je dis là, tous les temples sont sacrés, c’est leur rôle d’être sacré. C’est surtout la petite qui me regardait comme cela, à me scruter de ses petits yeux de souris. Je suivis son départ des yeux quand sa mère lui commanda quelque-chose et admirait à quel point j’étais obéissante. Elle rendait la vie facile à sa mère ça c’est sûr. L’avais-je été moi aussi ? Gentille, calme, docile, obéissante ? J’espère. Jason est tellement méritant. Pendant ce temps Thaïs me posait une question, mais c’est une tout autre question qui me venait à l’esprit en voyant la petite fille s’en aller. « Est-ce que tu lui répètes ce que tu me disais souvent ? » cette question n’avait rien d’une curiosité jalouse, la petite n’était pas mon ennemie, je venais peut-être seulement de le comprendre à l’instant. Alors ma main s’approchait comme une araignée de l’assiette de biscuit et en empoignant un, le menait jusqu’à ma bouche tout en ne cessant de fixer Thaïs. J’avais l’impression de la fixer vraiment pour la première fois depuis dix ans. Je pouffais de rire en me rappelant mes souvenirs d’enfance avec elle et détournait le regard vers le ciel à travers la baie vitrée. Thaïs avait une belle vie. Thaïs le méritait. Thaïs était quelqu’un de bien, Thaïs avait toujours été quelqu’un de bien. Comment avais-je pu en douter ? « Tu es intelligente, tu es gentille, tu es importante… Tu es intelligente, tu es gentille, tu es importante… » Récitais-je entre mes lèvres, c’était comme une comptine. Il faut toujours dire aux petites filles qu’elles sont jolies, même si ce n’est pas vrai. Il faut toujours leur dire qu’elles sont gentilles, belles, intelligentes mais plus que tout leur faire sentir qu’elles sont importantes. Toutes les filles et les femmes d’hier, d’aujourd’hui et de demain n’ont pas eu, n’ont pas et n’auront pas cette chance là. Moi si, même sans mère et avec un père de substitution, j’ai bénéficié de cette chance. Mais enfin je me rappelais de la question de Thaïs, moi qui pensais ne pas l’avoir écouté, je l’avais entendu, tout de même et c’est maintenant qu’elle me revenait, ou qu’elle revenait à mon esprit. Je me demandais qui était cet Ethan mais je ne me sentais pas en droit de lui demander. « Je te cherchais. » Cela aurait été vraiment un drôle de hasard de tomber sur elle sans la chercher, mais je ne lui avouais pas que cela faisait des heures que j’arpentais la ville dans tous les sens, elle me prendrait pour une folle. Après tout peut-être que je e suis. Mais qui ne l’est pas ? Où est la normalité ? Bon allez on arrête maintenant.
Sujet: Re: breathe in and breathe out (thaïs) Mar 30 Oct - 13:00
breathe in and breathe out Josephine and Thaïs
Cecilia disparut dans une pièce et Joey sembla se détendre. Tant mieux. Elle n'était toujours pas à l'aise, mais son attitude dénotait déjà plus de confort, et elle prit un biscuit, avec cette même manière de faire qu'elle avait été plus jeune. Ceci m'arracha un sourire. L'observer me faisait à la fois plaisir et mal au cœur. Étrange comme on peut regretter dix ans tout en étant satisfaite de sa vie, n'est-ce pas ? Quoi qu'il en soit, la revoir dans ce contexte sonnait tout de même étrange. Tout à coup, sa voix timide s'éleva. « Est-ce que tu lui répètes ce que tu me disais souvent ? » Je la fixais un instant, presque amusée par cette jalousie à peine dissimulée. Joey avait grandi avec moi, pendant un certain temps. Elle avait dix ans lorsque j'avais emménagé avec eux, je comprenais la réaction. Comme une petite fille unique qui voit arriver d'un mauvais œil un petit frère ou une petite sœur. « Tu es intelligente, tu es gentille, tu es importante… Tu es intelligente, tu es gentille, tu es importante… » Je souris. Ce manque de confiance perdurait dans l'esprit de Josephine, alors même qu'elle était devenue une très belle jeune femme. Elle avait exactement l'âge que j'avais quand je les avais quitté. « Non, je ne lui jamais dis ça. Mais je lui dis souvent qu'elle ressemble à quelqu'un que j'ai connu. Et tu as oublié le "tu es jolie", au passage. » j'avais hésité un instant, à lui dire simplement "Non, mais je lui dis souvent qu'elle ressemble à sa tante". Cependant le moment était mal venu. Je préférais attendre que Josephine pose une question.
« Je te cherchais. » Jason. le lien évident. Il lui avait dit que j'étais en ville. je lui en voulais, d'une certaine façon. j'aurais préféré allez la trouver moi même et pouvoir tout lui dire, mais puisqu'elle était là, je n'allais pas la chasser, bien au contraire. Nouveau sourire. La petite fille que j'avais connu avait donc changé physiquement, mais pas tant sur le plan mental, finalement. « Je vois. Jason t'as dit que j'étais en ville. » Aurais-je dû m'excuser de ne pas être venue la voir ? J'avais pour projet de le faire, mais j'aurais voulu attendre de pouvoir tout dire à son frère. Au lieu de ça elle serait la première au courant. Étais-ce pourtant un mal ? Pas nécessairement. « Tu m'as trouvé, finalement. J'allais venir te voir tu sais. Mais il fallait que je vois Jason, avant. »